Face à l’urgence climatique, la transition écologique s’impose désormais dans le dialogue social.
Depuis la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, le Comité social et économique (CSE) voit ses prérogatives élargies aux enjeux environnementaux.
Les élus doivent désormais être informés et consultés sur les conséquences environnementales des décisions de l’entreprise, et accéder à une BDESE enrichie d’un volet « durabilité ». Ils peuvent aussi s’appuyer sur un droit d’alerte environnemental encore peu mobilisé.
Cet article décrypte ces nouvelles responsabilités et propose des pistes concrètes pour aider les élus à s’approprier pleinement leur rôle dans la transition écologique.
La transition écologique s’invite dans le dialogue social
Un enjeu global devenu stratégique pour les entreprises
La transition écologique n’est plus une option. Elle impacte l’ensemble des secteurs économiques, des processus de production jusqu’aux modes de consommation. Pour les entreprises, elle se traduit par des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, une meilleure gestion des ressources, et l’adoption de pratiques plus durables.
Ce tournant environnemental modifie en profondeur la stratégie des entreprises et leurs relations sociales. Les partenaires sociaux sont donc appelés à s’impliquer, notamment via les instances représentatives du personnel.
L’environnement, nouveau volet du dialogue social depuis 2021
Depuis 2021, le Code du travail impose aux employeurs de consulter le CSE sur les conséquences environnementales de leurs décisions. Cette avancée traduit une volonté politique d’intégrer l’écologie dans les discussions collectives au même titre que les enjeux économiques ou sociaux.
Désormais, les consultations récurrentes du CSE (orientations stratégiques, politique sociale, situation économique) doivent inclure une analyse des impacts environnementaux.
Pourtant, selon une enquête de CSE Matin en 2024, seulement 14 % des CSE sont effectivement consultés sur les sujets liés à la transition écologique.
Loi Climat et Résilience : quelles obligations pour le CSE ?
Le CSE désormais consulté sur les conséquences environnementales
La loi Climat et Résilience modifie en profondeur les attributions du CSE, en introduisant l’obligation pour l’employeur d’informer et de consulter les élus sur les conséquences environnementales de ses décisions. Cette obligation s’applique à toutes les consultations récurrentes (stratégies, situation économique, emploi) ainsi qu’aux projets ponctuels significatifs (transformation de site, plan de mobilité, etc.).
Ce rôle consultatif ne se limite pas à la forme : le CSE peut questionner les choix de l’entreprise, formuler des avis motivés, et même faire appel à un expert-comptable sur la dimension environnementale.
L’évolution du rôle de l’expert-comptable du CSE
En raison des nouvelles exigences en matière de durabilité, le rôle de l’expert-comptable mandaté par le CSE évolue pour inclure une analyse approfondie des enjeux environnementaux. Au-delà des éléments financiers, il peut désormais être amené pour évaluer la cohérence et la qualité des données environnementales présentes dans la BDESE.
L’expert apporte un appui technique précieux aux élus, en les aidant à interpréter ces données et à formuler des avis argumentés lors des consultations. Il contribue ainsi à renforcer la crédibilité du CSE dans ses échanges avec la direction.
Une BDESE enrichie d’un volet “durabilité”
Depuis la réforme, la Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales (BDESE) doit contenir un nouveau volet consacré à la durabilité. Les entreprises de 50 salariés et plus sont tenues d’y intégrer des données telles que :
- La consommation d’énergie et d’eau
- Les émissions de gaz à effet de serre
- La politique de gestion des déchets
- Les certifications environnementales (type ISO 14001)
- Les investissements en faveur de l’environnement
Ces informations doivent être mises à disposition du CSE dans des formats accessibles, actualisés, et compréhensibles. Le non-respect de cette obligation peut être considéré comme un manquement au dialogue social.
A lire aussi : Zoom sur la nouvelle consultation du CSE en matière de durabilité
Que dit le Code du travail depuis la réforme ?
Le Code du travail a été modifié pour intégrer les enjeux environnementaux dans les attributions du CSE.
L’article L2312-8 stipule désormais que le comité doit être informé et consulté sur les conséquences environnementales des décisions prises par l’employeur.
De plus, l’article R2312-9 rend obligatoire l’inclusion d’informations environnementales dans la BDESE. En cas de non-transmission de ces données, les représentants du personnel peuvent activer leur droit d’alerte ou saisir l’inspection du travail.
Ces nouvelles dispositions donnent aux élus des outils concrets pour peser sur les choix de l’entreprise en matière écologique.
BDESE et transition écologique : ce que les élus doivent surveiller
Nouveaux indicateurs à intégrer dans la base
C’est à l’employeur qu’il revient de renseigner la BDESE, mais les élus du CSE ont un rôle essentiel de vérification. Ils doivent s’assurer que les indicateurs environnementaux sont bien présents, à jour, compréhensibles et adaptés aux enjeux de l’entreprise. Parmi les plus courants, on retrouve :
- La consommation énergétique (électricité, gaz, carburants)
- Les volumes d’eau utilisés
- La production de déchets et les filières de traitement
- Les émissions de CO₂ (directes et indirectes)
- Les objectifs et résultats en matière de réduction de l’empreinte carbone
- Les investissements et dépenses en faveur de l’environnement
- Les actions de sensibilisation ou de formation des salariés à l’écologie
Ces données permettent d’évaluer l’impact environnemental global de l’activité de l’entreprise et de suivre son évolution dans le temps.
Pour en savoir plus sur la BDESE : Tout savoir sur la BDESE du CSE
Données environnementales disponibles et à demander à l’employeur
Les élus peuvent demander à l’employeur un certain nombre de données précises pour évaluer l’impact environnemental de l’entreprise.
Voici un tableau récapitulatif des données à surveiller dans la BDESE :
| Thématiques | Exemples de données attendues | Intérêt pour le CSE |
|---|---|---|
| Énergie | Consommation annuelle (kWh), répartition par usage | Suivi des efforts de sobriété énergétique |
| Eau | Volumes consommés, économies réalisées | Analyse de la gestion durable des ressources |
| Déchets | Quantités produites, taux de recyclage | Évaluation de la politique de réduction des déchets |
| GES (gaz à effet de serre) | Émissions totales (Scope 1, 2, 3 si disponible) | Mesure de l’empreinte carbone de l’activité |
| Investissements durables | Montants alloués à des projets environnementaux | Engagement réel de l’entreprise dans la transition |
| Certifications | ISO 14001, EMAS, autres labels environnementaux | Niveau d’engagement environnemental structuré |
Ce tableau permet au CSE d’avoir une vision claire des éléments à demander et à analyser pour exercer pleinement son rôle sur les enjeux écologiques.
Exemples d’usages concrets de la BDESE environnementale
La BDESE n’est pas qu’un outil de reporting : elle peut devenir un levier stratégique pour le CSE.
Voici quelques exemples d’usages concrets :
- Préparer les consultations obligatoires : en analysant les données environnementales avant une consultation sur les orientations stratégiques, les élus peuvent poser des questions précises sur les impacts écologiques des projets.
- Détecter les incohérences ou les points de vigilance : une hausse soudaine de la consommation d’énergie ou une baisse du taux de recyclage peut alerter sur un changement de politique interne.
- Proposer des actions correctives ou des alternatives : en s’appuyant sur les indicateurs, le CSE peut suggérer des investissements dans des équipements moins énergivores ou dans des programmes de sensibilisation.
- Justifier le recours à un expert : si certaines données sont incomplètes ou trop techniques, le CSE peut demander l’assistance d’un expert-comptable pour les interpréter.
Ces utilisations renforcent la capacité du CSE à jouer un rôle actif dans la politique environnementale de l’entreprise.
Responsabilités nouvelles, leviers concrets : que peut faire le CSE ?
Sensibiliser les salariés aux enjeux écologiques
Le CSE peut initier ou soutenir des actions de sensibilisation sur les grands enjeux environnementaux : ateliers, conférences, affiches internes, campagnes sur la réduction des déchets ou la consommation d’énergie, etc.
Il peut également proposer des journées thématiques ou des partenariats avec des associations locales.
Intégrer l’écologie dans les activités sociales et culturelles (ASC)
Les activités sociales et culturelles sont un levier d’action concret pour faire vivre la transition écologique au sein de l’entreprise. Le CSE peut orienter ses choix vers des prestations plus durables, telles que :
- Favoriser les produits éco-responsables dans les cadeaux ou bons d’achat ;
- Choisir des prestataires locaux ou labellisés (ex : tourisme durable, traiteurs bio, etc.) ;
- Organiser des événements à faible impact environnemental (réduction des déchets, mobilité douce, etc.) ;
- Soutenir des initiatives locales à visée environnementale (ex : plantations, ateliers DIY, collecte solidaire).
Ces actions permettent d’aligner les dépenses du CSE avec des valeurs de responsabilité et de durabilité, tout en sensibilisant les bénéficiaires aux bonnes pratiques écologiques.
Piloter un bilan carbone ou une démarche interne « éco‑responsable »
Le CSE peut aussi agir sur son propre fonctionnement. En réalisant un bilan carbone de ses activités (déplacements, événements, consommation numérique…), il donne l’exemple et participe à la démarche écologique de l’entreprise.
Ce diagnostic permet d’identifier des pistes d’amélioration simples, comme :
- Limiter les impressions papier
- Privilégier les réunions à distance
- Choisir des fournisseurs plus responsables
Ces initiatives renforcent la crédibilité du CSE auprès des salariés et montrent qu’il agit de manière cohérente avec les enjeux de la transition écologique.
Accompagner les élus CSE dans la formation en compétences environnementales
Pourquoi accompagner les élus sur les enjeux environnementaux ?
De nombreux élus de CSE peinent encore à s’emparer pleinement des sujets environnementaux.
En cause : un manque de formation adaptée, des données complexes dans la BDESE, et une charge de travail déjà importante.
Pourtant, se former permet de mieux comprendre les projets de l’entreprise, d’analyser les indicateurs environnementaux, de participer activement aux consultations et de renforcer leur rôle dans le dialogue social. C’est un levier essentiel pour exercer ce nouveau pan du mandat avec crédibilité et efficacité.
La formation permet aux élus de mieux comprendre les projets de l’entreprise, d’analyser les indicateurs environnementaux, de participer activement aux consultations et de renforcer leur rôle dans le dialogue social.
Formations disponibles pour les élus CSE
En plus des formations obligatoires (SSCT, économie), il existe des modules adaptés aux enjeux environnementaux :
- Initiation aux enjeux climatiques
- Analyse de la BDESE environnementale
- ASC écoresponsables
- Formation SSCT avec volet écologique
Ces sessions abordent des thèmes concrets comme la gestion durable des ressources, la réduction des GES, ou encore l’économie circulaire. Elles permettent une montée en compétence progressive, en lien direct avec les nouvelles responsabilités du CSE.
Découvrez notre article sur : les formations CSE
Feuille de route pour un CSE engagé dans la transition écologique
Pour s’engager concrètement dans la transition écologique, le CSE peut adopter une démarche progressive en quatre étapes :
- Clarifier ses obligations environnementales : comprendre les nouvelles missions issues de la loi Climat, identifier les points de vigilance dans la BDESE, et intégrer l’environnement dans les consultations obligatoires.
- Structurer l’engagement en interne : inscrire régulièrement les questions environnementales à l’ordre du jour, mobiliser la CSSCT sur les risques écologiques, et nommer un référent si besoin.
- Agir à travers ses moyens propres : faire évoluer les ASC vers plus de durabilité, organiser des actions de sensibilisation, ou initier un bilan carbone du CSE.
- Monter en compétences : suivre des formations ciblées, mobiliser des experts, et créer des outils pratiques pour suivre les actions dans le temps.
Cette feuille de route permet au CSE d’allier obligations réglementaires, exemplarité et utilité sociale, tout en renforçant sa légitimité dans les grandes orientations de l’entreprise.
La transition écologique est désormais un pilier du dialogue social, et le CSE a un rôle clé à jouer pour accompagner ce changement. Les récentes obligations introduites par la loi Climat renforcent ses responsabilités, mais ouvrent aussi de nouvelles perspectives d'action. En se formant, en analysant les données environnementales, en adaptant les ASC, et en mobilisant leurs moyens, les élus peuvent devenir des moteurs de transformation positive dans leur entreprise.
